Nous pourrions vous raconter son histoire comme s'il s'agissait d'un conte et, à bien y réfléchir, cette idée n'est pas absurde, loin de là finalement. Car l'histoire de Clover a de ces accents mélodieux que seules maîtrisent les belles histoires. Dans cette histoire, pas de tragique, simplement du fantastique, c'est une vie de bonheur intense que nous nous apprêtons à vous conter. Et pour vous prouver nos dires, voici comment nous pourrions la commencer, par il était une fois... Mais au contraire de tous ces contes l'histoire de Clover est bien réelle, il n'y a ni faits enjolivés ni extrapolations, Clover n'est pas ainsi, ou du moins pas sur ce sujet, il n'en a nullement besoin, son histoire se suffit à elle-même.


Aux origines, Clover est le quatrième fils d'une grande famille, plutôt pauvre, mais terriblement riche de l'amour de ses membres et de son propre bonheur. Avant lui, trois garçons. Après lui une petite fille au doux sourire et aux cheveux d'ange. On prénomma Clover ainsi car il était le quatrième et on espérait qu'un tel nom associé à un tel chiffre garantirait son bonheur pour toujours. De plus ses parents, parents qui s'aimaient d'un amour très -peut-être trop- fort, s'étaient rencontrés dans la jolie ville dont Clover était l'homonyme.
Clover était un adorable bébé, bien portant, souriant et déjà terriblement beau. Car, et lui-même ne le savait que trop bien, Clover était beau. Il l'était depuis sa naissance, on le lui répétait depuis autant de temps et seule sa petite sœur lui faisait concurrence. Mais généralement on s'accordait sur le fait que chacun complétait l'autre sans se faire mutuellement ombrage, et pour cause : le frère et la sœur étaient terriblement liés. En fait de liens, la raison tenait principalement à la différence d'âge entre les trois aînés et les deux derniers : elle était si grande que l'on aurait pu construire un pont entre eux tous. Mais par dessus tout, si Clover était si proche de sa sœur c'est parce qu'elle était présente le jour où il s'était découvert ce don merveilleux qui était le sien. Car Clover était spécial. Était-ce son prénom qui avait finalement fait son œuvre et lui avait porté chance ? Pour les besoins du conte nous nous accorderons à valider cette hypothèse mais rien n'est moins sûr. Peu importe les raisons, la réalité, elle, ne s'accordait aucun doute et était ce qu'elle était : magique.

Car si Clover portait le nom du trèfle, plante si fragile qu'arrête l'hiver jusqu'au printemps suivant, le petit garçon, dès qu'il avait su marcher, s'était découvert une affection toute particulière pour l'hiver et plus précisément pour la neige. Rien d'exceptionnel nous direz-vous, et à raison. Jusqu'à ses onze ans la neige ne fut pour Clover qu'une occasion de plus de partager sa joie à grand renfort de boules de neige et de descentes effrénées dans une luge artisanale au possible, effrayant les passants, irritant les marchands mais qui, sans exception, faisait sourire le monde entier. Car Clover était la Joie avec un J majuscule. Il ne vivait que par et pour la joie, et certains diront que c'est pour cette raison qu'il développa la magie qui est aujourd'hui la sienne et qu'il maîtrise si bien. Croiser Clover était synonyme de Bonheur et chacun s'arguait d'un sourire devant tant de malice innocente. En fait, le petit garçon, jusqu'à ses onze ans, trouvait toujours les mots qu'il fallait pour chasser la peine dans les regards si bien que très vite, lorsque l'on sentait le désespoir chez quelqu'un il était de coutume de dire « Ah, toi, tu aurais bien besoin de voir Clover je crois ! »
Clover était devenu la mascotte du petit village perdu dans les sommets d'où il venait. Mais notre histoire ne serait pas digne d'un conte si nous en restions là. De plus nous vous avions promis de la magie, et jusqu'alors nous n'en avons pas parlé véritablement une seule fois. Voici venu le temps de réparer notre erreur et pour ce faire il faut évoquer la onzième année de Clover, année où la neige prit pour l'enfant une signification toute particulière...
Cette année là l'été s'était particulièrement étendu, réchauffant les terres assez pour que l'automne dure à son tour, laissant enfin les arbres découverts pour affronter un hiver qui se refusait à arriver.
Ah l'hiver... Saison merveilleuse qu'attendent tous les enfants de tous les mondes, ici, là-bas, ailleurs. L'hiver, c'est cette saison magique qui semble apaiser les cœurs et donner la joie. Et si dans nos cœurs naît une telle impression c'est grâce à cette étendue pure et grandiose qu'est la neige... Une neige qui, cette année-là, se refusait à tomber. Dans le village, les enfants désespéraient. Dans le village, Clover ne suffisait plus à les faire sourire. Ses pitreries, ses sourires, ses histoires, son espoir, rien ne leur rendait l'envie d'attendre cette neige qui semblait se refuser à leurs jeux. On n'est pas sérieux quand on a onze ans, on a cet espoir grandiloquent, puissant, que rien n'arrête. C'était encore plus vrai dans le cas de Clover. Et ce dernier décida un beau jour de décembre que si la neige ne venait pas à lui c'est lui qui irait à elle. Alors Clover s'en alla seul au cœur de la montagne, mettant uniquement sa jeune sœur dans la confidence et promettant de rentrer le soir-même...
C'est là que notre conte devient effrayant, un court instant certes, mais suffisamment pour que vous puissiez craindre pour la vie de notre héros. Si vous ne vous sentez pas de ressentir une telle angoisse il vous est conseillé de sauter les lignes à venir. Car ce soir-là, Clover ne rentra pas.

Nous vous arrêtons immédiatement, nous nous devons de vous rappeler qu'il s'agit là d'un conte, d'une histoire si joyeuse qu'elle n'a nul besoin de fiction pour donner le sourire à ses lecteurs. Elle se suffit à elle-même et que tout ceux qui, parmi vous, ont cru à la mort de notre héros, plaident coupable en l'instant. Clover n'est effectivement pas mort ce soir-là, pas plus que le suivant, ni même celui d'après. Non, ce qu'il s'est passé cette nuit-là il est le seul à le savoir et rares sont ceux à qui il le confie. En a-t-il honte ? Prend-il cela comme un serment fait à l'hiver cette nuit-là ? Quoiqu'il en soit, sachez que vous ne lirez qu'une fois les quelques mots qui vont suivre et estimez-vous heureux de faire partie de ceux qui savent. Cependant, n'essayez jamais de lui en parler, Clover niera la chose comme vous ne l'aurez jamais vu faire. Ceci est son secret et il y tient.

Mais revenons à nos moutons, car nous vous savons à présent curieux de savoir ce qu'a fait Clover cette nuit-là et il serait sûrement cruel de notre part de vous faire patienter davantage. Quoique la tentation de poursuivre ainsi soit grande nous allons prendre le temps de tout vous expliquer. Car, et nous sommes certains que vous ne vous l'êtes pas posée, une question demeure encore, question à laquelle nous n'avons apporté aucune réponse : Pourquoi Clover est-il monté à la recherche de la neige cette nuit-là plutôt qu'une autre... ?
Maintenant que nous avons éveillé un peu plus votre curiosité, voici la réponse.
C'est par amour que Clover est monté rechercher le blanc manteau de l'hiver. Oui, par amour. Encore une fois, nous nous devons de vous arrêter. L'amour revêt bien des formes et celui qui motiva Clover n'était autre que celui qu'il éprouvait pour sa jeune sœur et dont l'anniversaire devait survenir le lendemain. Alors, afin de la voir rire comme seul un jour de neige le permet Clover avait défié les éléments eux-mêmes à la recherche de la neige. De l'aube du premier jour à celle du second jour Clover parla à la montagne où il s'était perdu, au froid qui bleuissait ses lèvres, à l'hiver qui régnait en maître sur les sommets et il chercha. Clover chercha la neige, le moindre flocon, afin de le ramener à sa jeune sœur par tous les moyens. Et dans la nuit, enfin, il trouva. Il trouva les neiges éternelles des glaciers, plus fortes que l'été, que le soleil lui-même, ne disparaissant jamais dans l'oubli, silencieuse promesse d'un retour à venir. Et face à ces neiges qu'il avait cherché, espéré si longtemps, Clover sentit renaître en son cœur la joie. L'immense joie. Celle que seuls connaissent les enfants. Il prit alors de la neige, la mettant dans un sac, s'autorisant à en emporter énormément, persuadé qu'il était qu'elle resterait aussi éternelle ailleurs qu'ici et qu'il pourrait ainsi la répandre au sol pour que sa petite sœur y fasse un ange. Alors qu'il s'activait toujours plus vite, toujours plus fort, Clover fut surpris de sentir de l'eau couler le long de son corps. La réalité le frappa aussi durement qu'une pierre : Sa neige éternelle ne résistait pas aux caresses humaines... Pourtant, Clover ne rentra pas.
Ce qui s'ensuivit cette nuit-là sera volontairement flouté. La neige répondit-elle à cet élan du cœur ? L'Espoir si tenace de Clover força-t-il le destin ? Le courage du petit garçon parvint-il à émouvoir l'hiver lui-même ? Toutes les situations sont possibles et toutes, sans exception, trouvent une certaine mélodie dans leur simple existence. Que ce soit l'une ou l'autre, le résultat fut le même. Lorsque Clover redescendit de la montagne il apporta la neige dans son sillage. Et la joie. Deux choses qui depuis ne l'ont jamais quitté...

La suite, certains d'entre vous la connaissent, ou tout du moins, la comprennent. Fasciné par la beauté de son propre don Clover décida qu'il se devait d'apprendre à le maîtriser, parfaitement, définitivement, totalement. C'est ainsi qu'il intégra la guilde Scorpio, redoublant de créativité dans l'usage de sa magie. Ce qu'il en fit ? Un trésor. Fier de sa magie, amoureux, peut-être aussi, de cette dernière, il sortit de l'école avec les félicitations de ses professeurs et rejoignit les Lamia Scales, plus car il ne se retrouvait pas dans les Saber Tooth qu'autre chose. Aujourd'hui il fait partie des Viridian Sorcerers, vivant dans l'appartement juste en face de celui de sa leader et nous ne vous cachons pas que le prince de notre conte pense avoir trouvé sa princesse...