J'aime ces journées-là. Ces journées où le soleil décide de briller plus intensément qu'à son habitude, comme s'il voulait nous récompenser personnellement d'une bonne action. Que la joie se lit dans les visages d'autrui dans les rues, ils sortent, se promènent, vivent. Ce genre de journée où tout a l'impression de bien commencer et que vous savez pertinemment qu'il n'y aura rien, aucun nuage, aucune brume pour venir ternir les rayons de votre soleil et entacher le courant de votre journée. Ces journées où vous savez que vous allez voir quelqu’un qui vous tient à cœur, que vous allez faire quelque chose que vous aimez particulièrement et qui vous rendra tellement heureux que vous ne pourrez vous empêcher de vous endormir le cœur souriant. Aujourd’hui est l’un de ces jours. La veille, j’étais à l’académie des mages pour une intervention, je parlais des joies d’être une mage officielle, de ma vie à Lamia Scale, de comment se déroulaient mes missions, comment les guildes se comportaient dans leurs quartiers. Je répondais aux curiosités des futurs mages en devenir et j’étais ravie de leur soif d’apprendre. Et aujourd’hui, veille de mon départ de Crocus, j’ai une séance photo pour le magazine Weekly Sorcerer en compagnie d’une amie à moi de Blue Pegasus, Anthea Valentine. Tout comme moi, elle est la représentante officielle de sa guilde, ce sont nos visages qui représentent nos guildes respectives, nous en sommes comme qui dirait les mascottes. Celles qui servent de modèles pour nos jeunes lecteurs et lectrices. Notre séance photo se déroule au Crocus Garden, l’immense jardin fleuri de Crocus qui abrite les espèces florales les plus variées, les plus colorées et les plus belles de Fiore. D’après Woody, le photographe du Weekly Sorcerer qui prend en charge notre séance d’aujourd’hui nous serons « les plus belles fleurs du jardin de Crocus ». Je ne suis pas du genre à céder à la flatterie, du moins pas jusqu’à en rougir, disons simplement que je remercie chaleureusement les flatteurs, mais c’est tout. Seules les flatteries venant de personnes qui me sont très proches me touchent réellement le cœur à m’en faire rosir. Vêtue d’un robe rouge fluide et veloutée me tombant sur les genoux et dévoilant mes épaules, je sens la chaleur des sourires du soleil m’envelopper tendrement, comme un baiser qu’une mère donnerait à son enfant pour lui souhaiter de passer une excellente journée. Je fais face à la caméra, je joue avec elle, lui sourit. Tantôt je lève les bras en l’air en riant, comme pour accueillir le soleil, tantôt je fais virevolter ma longue chevelure d’ébène en offrant mon regard le plus ténébreux et sensuel à l’appareil photo. Le photographe n’a pas besoin de nous donner de conseils à Anthea et moi, nous savons ce que l’on doit faire pour que les lecteurs apprécient nos clichés.

Je me tourne vers Anthea qui prend également des poses d’un professionnalisme et d’une minutie à toutes épreuves. « Dis, ça te dirait d’aller se promener en ville après le shooting ? J’ai bien envie de profiter du beau temps avant de reprendre la route pour Hargeon. » Je lui demande, excitée. C’est une journée parfaite pour marcher, faire un tour dans les boutiques et dépenser ses joyaux dans des glaces, vêtements, accessoires magiques et autres babioles. Je suis peut-être un peu trop dépensière, c’est vrai, mais j’y peux rien, je ne peux résister face à la beauté de ce qu’on nous propose. La magie est si belle. Tout objet qui en est imprégné est par extension d’une pure beauté. Je me rapproche d’Anthea pour que nos clichés soient encore meilleurs. Interagir avec les autres mannequins fait toujours vendre plus de clichés, et les posters ayant les photos de plusieurs mannequins de différentes guildes sont toujours les mieux vendus, encore plus de rêve et de fantasme vendus en une seule photo. « Beau travail les filles ! Allez-y rapprochez vous et faites comme si vous passiez la journée la plus topissime de votre vie ! » Nous lance Woody avec son accent chantant et ses manières efféminées. Je souris intérieurement en regardant Anthea, Woody est très … spécial. Et sa manière d’être me fait rire, sans pour autant me moquer. Disons que c’est un spectacle à lui tout seul. Je me colle à Anthea et la prends dans mes bras, comme une petite sœur qui se blottirait contre son aînée, toutes deux rayonnantes dans ce décor floral et angélique. Je la fais ensuite danser, nous tournoyons gaiement parmi les papillons de diverses espèces qui ont élu domicile dans ce royaume végétal, nos robes flottant sous nos mouvements amples et circulaires. « J’ai bien envie d’une glace, pas toi ? » Je chuchote à Anthea pour ne pas que Woody nous entendent. Il serait capable de s’incruster et venir avec nous, et surtout profiter pour nous prendre en photo encore et encore, tout en nous soutirant des informations et autres ragots croustillants. Il est adorable, mais il reste tout de même un journaliste qui est payé d’avantage s’il ramène des informations croustillantes avec preuves à l’appui.